
Avec ce roman qui met en scène un groupe d’amis depuis l’école et leurs familles, Jonathan Coe, nous parle de l’Angleterre et de l’attachement des anglais à leur pays. Il montre également comment ce sentiment national s’exprime d’une manière exacerbée, au sein de la société anglaise, avec le vote pour le Brexit. Si une partie des anglais est fière d’appartenir à une grande nation ouverte à l’Europe et sur le monde, une autre partie, revendique son identité insulaire et sa souveraineté nationale, pour rompre avec l’Union Européenne.
Le personnage principal du roman, Benjamin Trotter est un semi-retraité, amoureux de littérature et de musique. Il vit seul près de Birmingham, dans une belle maison, un ancien moulin, au bord d’une rivière. Il a entamé une vaste œuvre inclassable, à savoir la rédaction d’un roman illustré par des œuvres musicales. Ayant fréquenté une école privée réputée, il appartient à la classe sociale privilégiée de l’Angleterre, même s’il est un homme de gauche. Doug, son ami très proche depuis le collège, est un journaliste politique réputé, marié à une riche londonienne. Il a également une sensibilité de gauche et est farouchement opposé au Brexit.
Jonathan Coe connaît très bien la vie politique de son pays et nous la fait découvrir au travers de ce roman aussi pertinent qu’un essai politique. On comprend que le choix du Brexit trouve sa source, chez les anglais qui éprouvent difficultés économiques, dans le rejet des immigrés et qu’il est attisé et entretenu par la démagogie de certains politiques. Mais il est également nourri d’une fierté nationale insulaire où le souvenir de l’empire colonial et de la résistance britannique au nazisme reste vivace.
Un passage du roman illustre très bien cette fierté nationale. En voici, un extrait (page 177): » Comme Sophie, Doug avait abordé la cérémonie d’ouverture [des jeux Olympiques de Londres en 2012] avec le plus grand scepticisme. Comme elle, il la regarda avec une admiration croissante qui frôla bientôt la révérence… […]. Cet hymne extravagant à l’héritage industriel de la Grande-Bretagne, c’était bien la dernière chose à laquelle il se serait attendu, mais il y trouvait un considérable pouvoir d’émotion et de persuasion. […] Oui, pourquoi ne pas l’avouer tout bonnement, en cet instant, il était fier, fier d’être britannique, fier de faire partie d’une nation qui, non contente d’avoir réalisé de grandes choses, pouvait aujourd’hui les célébrer avec une telle assurance, une telle ironie, une telle simplicité. »
Mais la France, vous le verrez, est également présente dans le roman, au travers notamment de la ville de Marseille, dépeinte avec enthousiasme. Voici un extrait, page 159 : « …elle prit un bus pour retourner au centre-ville par la Canebière, descendit à l’arrêt Noailles et grimpa par le marché des Capucins en déambulant au hasard du maquis des ruelles, chacune regorgeant de toutes sortes de denrées françaises et africaines, l’air rempli d’arômes appétissants tant familiers qu’exotiques. Les acheteurs se bousculaient dans les rues et Sophie vit que le bouillon de cultures entêtant qui caractérisait le Londres moderne se retrouvait ici sous une forme plus dense, plus concentrée encore. Elle adorait cette impression. Elle sentait qu’elle pouvait se perdre dans cette ville. »
Ah, cette présentation enthousiaste de Marseille fait du bien! Je suis toujours surprise de constater que les médias français vantent le caractère multiculturel de Londres alors que curieusement ce même caractère n’est plus un atout lorsqu’il s’agit des villes françaises et quand je dis cela, c’est un euphémisme.
Pour conclure, en racontant la vie de ses personnages et ses rebondissements, Jonathan Coe mène une réflexion sur le sentiment national anglais. Et nous apprend à mieux connaître nos voisins, les anglais!