HISTOIRE MONDIALE DE LA FRANCE (suite épisode 2) sous la direction de Patrick Boucheron

On apprend plein de choses en feuilletant l’Histoire mondiale de la France, l’ouvrage collectif réalisé sous la direction de Pierre Boucheron dont je vous ai déjà parlé. Et toute cette connaissance donne de la profondeur à la compréhension des évènements contemporains. Je vais partager la lecture de deux articles de l’ouvrage, « 1789 La Révolution globale » d’Annie Jourdan et « 1790 Déclarer la paix au monde » de Sophie Wahnich. Ils ont pour sujet la Révolution française et le bouillonnement des idéaux de liberté et de fraternité qui conquiert alors la France et les pays européens.

1789 La révolution globale un article d’Annie Jourdan, pages 395-398

La Révolution française inspire les patriotes de l’Europe entière, en quête de liberté et d’égalité.

Au commencement, il y a la lutte pour l’indépendance des treize colonies d’Amérique du Nord (1776-1783) de la Grande-Bretagne. L’impact de l’évènement en Europe est immense. Force est de constater que la révolution française a une origine transnationale. Elle l’est d’autant plus que les jeunes nobles français qui se sont battus en Amérique aux côtés de Washington en sont revenus, la tête pleine d’idéaux : Constitution écrite, droits naturels, démocratie… Ensuite, l’aura de la révolution américaine décroît en Europe au profit de celle de la révolution française dont les effets bouleversent une population bien plus importante et de manière plus radicale : 26 millions d’habitants en France contre 2,5 millions en Amérique qui ne connaissaient ni féodalité, ni hérédité.

Pareillement, la révolution française influence les peuples européens qui souffrent de leur gouvernement. Des révolutionnaires de ces pays, par exemple des Pays-Bas autrichiens (la Belgique actuelle) souhaitent que la France entre en guerre pour libérer leur pays du joug de la monarchie et y apporter les idéaux de liberté et d’égalité. L’Assemblée constituante sait résister à ces appels bellicistes et déclare la paix au monde, le 22 mai 1790. Mais elle ne peut résister à la tentation de réunir au territoire national des enclaves étrangères en Alsace et dans le Comtat Venaissin. Pourtant, la Révolution française avait semblé annoncé autre chose : le respect du droit des peuples à leur souveraineté.

De 1790 à 1793, la République française prend l’habitude d’arrondir ses frontières sous prétexte que les peuples impliqués souhaitent devenir français, afin d’accéder à la liberté. En avril 1793, à l’initiative de Danton qui pense que la France doit faire attraction sur les peuples par son seul exemple, la Convention affirme ne plus vouloir s’immiscer dans le gouvernement des puissances étrangères. Elle arrête la politique d’émancipation des peuples opprimés qui proclamait fraternité et secours à tous les peuples qui voulaient recouvrer leur liberté.

Mais en 1794, la politique émancipatrice reprend le dessus et les législateurs persistent à l’envisager comme un soutien aux peuples et non comme une simple volonté de conquête. Il est vrai que des patriotes étrangers réfugiés à Paris influent sur cette politique extérieure. Un véritable dialogue s’est engagé entre les révolutions du continent européen. Et la République française est autant un modèle qu’un contre-modèle que les patriotes étrangers cherchent plus à perfectionner qu’à imiter.

Mais dès les débuts, la « républicanisation » du continent était condamnée par les grandes puissances et la politique napoléonienne lui porte le coup de grâce en transformant en royaume, les jeunes républiques, abandonnant l’héritage républicain.

L’article d’Annie Jourdan met un coup de projecteur sur la « globalisation » des idées à cette époque et plus largement sur la force des idées. Les idées mènent le monde. J’adore le concept « d’émancipation des peuples opprimés » dont on ne sait pas s’il est l’expression d’une fraternité désintéressée des révolutionnaires français avec les autres peuples ou une simple et brutale volonté de conquête et de puissance. Certainement les deux…

1790 Déclarer la Paix au monde un article de de Sophie Wahnich, pages 399-403

En déclarant la paix au monde le 22 mai 1790, les constituants affirment que seule la guerre de défense est légitime. Désormais, le peuple français refuse tout rapport de domination à l’égard d’un autre peuple, tout rapport de conquête. Le 14 juillet 1790, trente-six étrangers du « Comité des étrangers de toutes les nations » sollicitent de participer à la fête de la Fédération, au nom du genre humain. La Fédération nationale devient l’affirmation de l’hospitalité quasi inconditionnelle des français à l’égard des étrangers, car « un peuple libre ne connait d’ennemis que ceux des droits de l’homme ». La fraternité, entendez l’alliance des peuples libres est supposée « assurer l’ordre dans le monde ».

Mais en 1793, en raison de l’hostilité de la coalition contre-révolutionnaire et du sentiment que l’hospitalité et l’amitié française ont été trahies, la République française suspend l’hospitalité inconditionnelle. Les ressortissants qui n’appartiennent pas à un peuple libre et allié ne sont plus dignes de confiance, à moins d’être avoués par deux « bons citoyens ».

Commence alors à s’exprimer une volonté constante de distinguer entre les bons étrangers et les mauvais « soudoyés par les rois ». La condition d’être avoué par deux citoyens patriotes, pour être admis à l’hospitalité, déplace une hospitalité publique inconditionnelle et portée par la protection juridique, vers une hospitalité publique conditionnelle, portée par la vertu des patriotes.

On peut dire que cette méfiance envers l’étranger, qui doit toujours faire ses preuves, perdure encore…

***

Pour conclure, les auteures montrent que les idéaux de paix et de fraternité universelle de la Révolution française se sont heurtés à la réalité des inévitables luttes de pouvoir. Mais si l’on compare la situation de la France d’aujourd’hui à celle de la France au début du 18ème siècle, force est de constater la formidable avancée des idées généreuses et utopiques des lumières et de la Révolution française: liberté, égalité, respect des droits, lutte contre les discriminations… Que de progrès réalisés!

Malheureusement, aucun progrès n’est en vue s’agissant de la guerre… Volonté de puissance, ambition territoriale, nationalisme, idéologie, la guerre est toujours omniprésente et les arguments pour la présenter comme la seule solution possible ne trouvent pas de contradiction. D’ailleurs, le pacifisme, la non violence sont des mots rarement utilisés dans le débat public, un peu incongrus, voire négatifs, qui n’intéressent pas grand monde.

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