
Juste la fin du monde est une pièce de théâtre de Jean-Luc Lagarce, né en 1957, et auteur contemporain le plus joué en France. Il est décédé en 1995 des suites du sida. J’ai découvert cet auteur grâce au formidable film de Xavier Dolan « Juste la fin du monde », adapté de la pièce.
Il semble que le thème de la pièce soit en partie autobiographique. Louis, un jeune auteur, malade du sida, retourne dans sa famille qu’il n’a pas revue depuis longtemps, pour lui annoncer qu’il va mourir. Il retrouve sa mère, son frère cadet Antoine, Catherine, la femme de ce dernier qu’il n’a jamais rencontrée et sa jeune sœur, Suzanne.
Finalement, il repartira sans avoir pu le leur dire tant son retour suscite l’incompréhension de leur part et réveille des blessures. Chacun à sa manière (sa mère, Antoine, Suzanne) lui reproche de les avoir abandonnés, depuis si longtemps, et de ne pas avoir voulu partager avec eux sa nouvelle vie, lui qui a réussi dans un milieu qui leur est étranger. La tension est particulièrement forte avec Antoine, ouvrier dans une usine, toujours dans une relation de rivalité avec Louis. Mais l’expression des reproches et de la colère n’empêche pas la persistance des liens et de l’affection. Chaque personnage s’exprime avec tant de sincérité et d’intensité qu’on est ému jusqu’au fond de soi-même. La pièce met également en scène leur difficulté à communiquer, chacun étant enfermé dans son propre vécu.
Voici un extrait de la pièce. Extrait – Scène 3
« Suzanne [à Louis]: […] Ce n’est pas bien que tu sois parti, parti si longtemps, ce n’est pas bien et ce n’est pas bien pour moi et ce n’est pas bien pour elle [la mère] (elle ne te le dira pas) et ce n’est pas bien encore, d’une certaine manière, pour eux, Antoine et Catherine. Mais aussi – je ne crois pas que je me trompe -, mais aussi ce ne doit pas, ça n’a pas dû, ce ne dois pas être bien pour toi non plus, pour toi aussi. Tu as dû parfois, même si tu ne l’ avoues pas, jamais, même si tu ne devais jamais l’avouer – et il s’agit bien d’aveu – tu as dû parfois, toi aussi (ce que je dis) toi aussi, tu as dû parfois avoir besoin de nous et regretter de ne pouvoir nous le dire. Ou plus habilement – je pense que tu es un homme habile, un homme qu’on pourrait qualifier d’ habile, « un homme plein d’une certaine habileté »- ou plus habilement encore, tu as dû parfois regretter de ne pouvoir nous faire sentir ce besoin de nous et nous obliger, de nous-mêmes, à nous inquiéter de toi. »
Bien-sûr, pour apprécier ce texte, mieux vaut l’entendre que le lire, car il a été écrit pour le théâtre. Aussi, si vous apprenez qu’un théâtre près de chez vous, joue une pièce de Jean-Luc Lagarce, allez-y, vous découvrirez un auteur, si vous ne le connaissiez pas déjà. Pour ma part, je n’ai pas vu de représentation de « Juste la fin du monde », mais j’ai vu « J’étais dans ma maison et j’attendais la fin de la pluie » l’année dernière à la Comédie Française, qui est également une pièce très intense et émouvante où l’on retrouve une variation du thème du fils/frère qui revient pour mourir à la maison.
Les articles Wikipedia sur Jean-Luc Lagarce (et sur « Juste la fin du monde ») expliquent très bien les caractéristiques de son théâtre.