
J’ai beaucoup aimé L’intérêt de l’enfant du romancier anglais, Ian Mac Ewan. Le personnage principal en est Fiona Maye, juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Londres. Le roman débute par un crise conjugale entre Fiona et son mari, Jack Maye, universitaire, spécialiste de l’histoire de l’antiquité et de Virgile. Le couple s’approche de la soixantaine et n’a pas d’enfant, car Fiona toute entière occupée de son métier et de sa carrière, n’a pas su trouvé le temps d’en avoir un. Mais, Jack et Fiona mènent une existence agréable et privilégiée, dans un quartier huppé de Londres où résident magistrats et avocats. Nombreuse famille, nombreux amis, nombreuses invitations, une passion pour la musique, vie de couple heureuse, jusqu’à la crise conjugale… Encore séduisante à cinquante-neuf ans, admirée et respectée par ses pairs, pour son exigence intellectuelle et éthique, Fiona a une haute idée de son métier.
Si le roman débute par une crise conjugale, assez rapidement, la profession de Fiona et les lourdes responsabilités qu’elle implique, reviennent au centre du roman. Chaque jour, Fiona est confrontée aux misères et aux passions humaines. Elle doit retirer la garde d’enfants à des parents drogués, alcooliques, violents ou trancher les conflits entre des parents qui se déchirent pour la garde de leurs enfants. Parfois, dans certaines affaires, elle a le pouvoir de décider de la vie ou de la mort des personnes.
Ainsi, à la demande d’un hôpital et contre l’avis des parents, chrétiens fervents, Fiona a choisi d’autoriser une opération chirurgicale, pour séparer deux frères siamois et permettre à celui dont les organes fonctionnent, de vivre, en sacrifiant son frère, incapable de survivre, de toute façon. Un week-end, Fiona est saisie du cas d’un jeune témoin de Jéhovah, mineur de presque 18 ans, atteint de leucémie. L’hôpital demande qu’il soit transfusé en urgence, contre la volonté de ses parents et celle du jeune homme, opposés à la transfusion sanguine, en raison de leurs convictions religieuses. Fiona, contrairement aux usages en vigueur, décide d’aller elle-même rencontrer le jeune homme à l’hôpital, pour apprécier, si son choix de mourir, est bien le sien et s’il n’est pas influencé par ses parents et les membres de la communauté des Témoins de Jéhovah.
Mais, il ne faut pas croire que ce roman est un roman social sur les sujets de société contemporains. C’est un roman psychologique où Fiona et les autres personnages sont dépeints avec une grande subtilité. Simplement, la connaissance approfondie du monde judiciaire et des affaires traitées par un juge aux affaires familiales, dont fait preuve Ian Mac Ewan, apporte au roman un socle très solide et très riche à partir duquel l’histoire peut avancer avec plus de force.
Pour illustrer le roman, voici un extrait où Fiona essaie de définir ce qu’est « l’intérêt de l’enfant », dans l’une des affaires qu’elle doit juger:
» … l’intérêt de l’enfant, ne se résumait pas en termes purement financiers, et ne se résumait pas au confort matériel. Elle l’envisagerait donc d’un point de vue le plus large possible. L’intérêt de l’enfant, son bonheur, son bien-être devaient se conformer au concept philosophique de la vie bonne. Elle énumérait quelques ingrédients pertinents, quelques buts vers lesquels l’enfant pouvait tendre en grandissant. L’indépendance intellectuelle et financière, l’intégrité, la compassion et l’altruisme, un travail gratifiant par le degré d’implication requis, un vaste réseau d’amitiés, l’obtention de l’estime d’autrui, les efforts pour donner un sens à son existence, et la présence au centre de celle-ci d’une relation significative, ou d’un petit nombre d’entre elles, reposant avant tout sur l’amour. » Pages 27-28 Editions Gallimard 2015.
Pour finir, le roman accorde une place importante à la musique car Fiona est une pianiste amateur de talent, et son mari, un passionné de jazz. Et, l’auteur, avec érudition et une infinie sensibilité, tel un critique musical, fait découvrir au lecteur, la beauté d’une mélodie de Berlioz ou d’un lied de Mahler.